Paul et Laura, tableau d’après nature
Α novel inspired by the lives of the intellectual activist Paul Lafargue (1842-1911, best known for his polemic essay The Right To Be Lazy) and his wife Laura Marx (1845-1911). The mythical life of these two characters who at their old age (Paul 69, Laura 66) decided to die together by a suicide pact is painted in this novel as a concave mirror reflecting the tumultuous development of capitalism in the second half of 19th century.
The writer delves into the personality of a middle-class victorian Laura Marx vis-a-vis the warm temperament of a half creole Paul, since their early twenties and their love affair under the roof of Karl Marx's house to the end of their lives after almost half a century, at their house at Draveil, in the outskirts of Paris. The plot of the novel is mainly focusing οn the developing psychology of these dramatic figures from their enthusiastic and visionary twenties to their more sombre old age; their constant struggle to survive against all kinds of financial and social difficulties, their disappointment and ensuing melancholy (especially Laura's) after losing three children in a short period of a few years; their demanding social vision for the future along with their anxiety to disseminate their father and father-in-law's social thought in France in a period of continuous social upheaval and political repression by the rising bourgeois class – as well as their personal conflicts arising from the above family and social background. The standard belief of Paul in the right of people to be "creatively lazy" as a result of his personal pursuit of "la joie de vivre" serves as an ironic leitmotiv in the novel. Yet, the central leitmotiv is the "after nature" depiction of events (starting from the "Ut Pictura Poesis" theory as supported by Horace through Johann Joachim Winckelmann and argued by Gotthold Ephraim Lessing – in the novel this theory is commented by Marx and Engels during a Christmas dinner) which implies, in more than one ways, the infinite possibilities of re-reading history in perspectives quite different from the established ones. The "after nature" leitmotiv plays an important role in making the reader understand (through modernist narrative techniques with emphasis on polyphony / unfinalizable characters, the way Mikhail Bakhtin's theory has analysed them) a historic period of European history during which, truth, in every application of the word from politics to culture, seemed for the first time in modern history to be simply and bluntly replaced by truthfulness. The interesting thing about this novel -which all critics underline- is that it brings together the utopian dreams of socialist activists like Paul Lafargue, dreams which revolutionised the society of the second half of the 19th century, with the radical new approach of artists like Édouard Manet whose original work revolutionised in its turn the culture and art of the same period.
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« Le romancier nous dit toujours avec une plus grande exactitude que l'historien que le passé n'est pas accompli,
que le passé doit être inventé chaque fois que le présent nous file entre les doigts. » Carlos Fuentes, Τhis I believe, 2006. La vie de l'intellectuel engagé Paul Lafargue (mieux connu pour son essai polémique Le Droit à la paresse, 1880-83) avec Laura, la fille émancipée de l'auteur du Manifeste communiste. L'amour, les idées communes, les combats communs du couple Paul Lafargue – Laura Marx et leur choix audacieux pour une fin commune à la manière de Caton le Jeune: vers l'Utopie.
La vie mythique de ces deux personnages historiques est présentée au roman comme un miroir concave reflétant les principaux bouleversements économiques, sociaux et culturels en Europe dans la seconde moitié du 19ème siècle et au debut du 20ème. L’auteur se penche sur la personnalité d'une victorienne Laura vis-à-vis du tempérament d'un demi-créole Paul, depuis leur vingtaine et leur premier contact à la maison de Karl Marx, jusque à la fin de leur vie après près d'un demi-siècle, dans leur maison de Draveil, aux alentours de Paris. L'intrigue (à travers des techniques mettant l'accent sur des personnages polyphoniques, «avec des droits égaux et chacun avec son propre monde, qui combinent mais ne sont pas fusionnées dans l'unité du récit», comme l'a montré Mikhail Bakhtin) s’étend des années enthousiastes et visionnaires du couple Paul-Laura jusque à leur vieillesse plus sombre; de leur lutte constante pour survivre contre toutes sortes de difficultés financières et sociales, à leur déception et leur mélancolie (surtout celle de Laura) après avoir perdu trois enfants en quelques années; de leurs conflits personnels à leur vision sociale pour l'avenir qui exigeait de céder une partie substantielle de leur vie quotidienne ainsi qu'à leur inquiétude de disséminer la pensée sociale de Marx en France. Si la firme croyance de Paul « au droit des gens d'être "créativement paresseux" afin d'acquérir la joie de vivre » sert de leitmotiv un peu ironique au roman, l'autre leitmotiv dominant ici est la représentation des événements « d’après nature » (la théorie de « Ut Pictura Poesis » soutenue par Horace et par Johann Joachim Winckelmann mais argumentée par Gotthold Ephraim Lessing est commentée par Marx et Engels lors d'un dîner de Noël…) qui implique, de plusieurs façons, les possibilités infinies de « écrire » l'histoire dans des perspectives bien différentes de celles établies par les historiens professionnels. « L'époque des intellectuels engagés, des révolutionnaires de terrain et des utopies sociales est peinte devant nos yeux. Maragkopoulos l'ose. Les hommes politiques, les penseurs, les écrivains, les peintres de cette époque sont là, bien vivants. Ils pensent, ils parlent, ils écrivent et ils participent de toute leur âme aux événements. Marx et Engels, Proudhon et Bakounine, Manet et Courbet, Hugo et Flaubert, à côté de dizaines de héros célèbres ou anonymes mais aussi … de Crétois communards. Voilà le fait qui marque de manière indélébile les consciences de l'époque… »[1] ------------------------------- [1] Aristotelis Saïnis, quotidien Le Journal des rédacteurs, 10 février 2017. |
Paul & Laura (version FR)
Α video (in French) inspired by the novel
En juxtaposant d'une manière ingénieuse la lecture politique à la lecture artistique du monde (Le Droit à la Paresse au Déjeuner sur l'Herbe; Rimbaud et Louise Michel à Hugo; Flaubert, George Sand ou Zola à Louise Colet, etc.), l'écrivain met en évidence l'importance des révolutions spirituelles par rapport à celles en politique.
Ci-dessous vous pouvez lire un échantillon des critiques grecques traduites en Français
Les critiques
Effi Yannopoulou, quotidien L'Epoque, 24 janvier 2017
…Il est difficile de résumer Paul et Laura, d'épuiser tous les aspects du roman dans une brève notice. Ainsi, pour conclure cet article, je m'en tiendrai à certains points de vue, que je considère comme particulièrement significatifs.
La politique et les révolutions artistiques
La première préoccupation peut-être dans la production littéraire récente d' Aris Maragkopoulos (mais aussi, sous d'autres formes, dans ses productions plus anciennes) est de faire le lien dans son ouvrage entre la révolution politique et les révolutions littéraires et artistiques. De montrer ces époques où les idées avancent par bonds dans tous les domaines. L'époque des Lafargue lui en fournit l'occasion idéale. A côté du mouvement politique des Communards s'accomplissent des ruptures emblématiques dans le domaine de la littérature et de l'art. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard si le Déjeuner sur l'herbe de Manet constitue un élément emblématique du roman. La trouvaille ingénieuse de Maragkopoulos qui consiste à relier le tableau qui a provoqué un scandale à son époque à la vie et à l'œuvre de Paul Lafargue enrichit le roman avec une rare lucidité, devient source de réexamen de l'Histoire. Cela n'a pas d'importance que Flaubert et Zola soient réticents ou même hostiles à la Commune et au peuple des travailleurs, ils effectuent eux aussi leur propre révolution. Le domaine politique et le domaine artistique progressent toujours en accord entre eux, dirait Pierre Bourdieu et ce n'est pas un hasard si ses Règles de l'art se focalisent exactement sur la même période et sur nombre des personnes qui traversent le roman.
Encore deux points intéressants
Le deuxième élément intéressant est le rôle que Maragkopoulos réserve à ses héroïnes, là où personne n'observe de développement particulièrement notable dans ses livres plus anciens. Dans ses derniers romans et encore davantage dans celui que nous examinons, les femmes possèdent un rôle particulier, elles sont les sages, les maîtresses de vie pour ses héros hommes, elles sont aussi celles qui les mettent en contact avec l'art (Betty Bartlett fera découvrir l'Amant de lady Chatterley à son mari, et Victorine, le modèle du Déjeuner, ouvrira un nouveau monde aux yeux agrandis par le désir de Lafargue). En ce qui concerne Laura, ce ne sont pas seulement sa sagesse et son instinct qui l'immortalisent dans le roman, ni son éducation marxiste «dès le berceau » et son zèle révolutionnaire, mais c'est aussi la manière dont l'écrivain aborde tout ce qui concerne son rôle traditionnel de femme, sa relation avec son mari, la façon dont elle affronte sa maternité, sans idéalisation, avec une franchise critique.
Le troisième point que je trouve toujours intéressant dans les derniers romans de Maragkopoulos, et dont je pense, par ailleurs, qu'il mérite une étude séparée, est celui du réalisme, ce « d'après nature » qu'il place dans le titre de son livre, un réalisme qui dépasse de beaucoup tant l'étude de mœurs que la fidèle représentation de la réalité, ou la littérature historique (dans la définition habituelle de celle-ci), un réalisme qui recrée la réalité à travers le contact précisément avec l'imagination fabulatrice. D'une manière telle que, tout en s'éloignant de leur réalité, cette biographie romancée des Lafargue devient la biographie de beaucoup d'hommes et de l'époque tout entière.
Aristotelis Saïnis, quotidien Le Journal des rédacteurs, 10 février 2017
L'époque des intellectuels engagés, des révolutionnaires de terrain et des utopies sociales est peinte devant nos yeux. Maragkopoulos l'ose. Les hommes politiques, les penseurs, les écrivains, les peintres de cette époque sont là, bien vivants. Ils pensent, ils parlent, ils écrivent et ils participent de toute leur âme aux événements. Marx et Engels, Proudhon et Bakounine, Manet et Courbet, Hugo et Flaubert, à côté de dizaines de héros célèbres ou anonymes mais aussi … de Crétois communards. Voilà le fait qui marque de manière indélébile les consciences de l'époque. C'est pour cela qu'il consacre à celle-ci un des plus beaux catalogues gargantuesques que je connaisse (assurément Umberto Eco en serait jaloux) : des accumulations successives de noms, de métiers, de mouvements, de slogans et de chansons reconstituent, d'une façon romancée, l'élan révolutionnaire du premier jour de la Commune.
Avec pour point de départ des témoignages réels et des textes emblématiques, Maragkopoulos creuse les failles, colore les zones grises, juxtapose, paraphrase, imite, transforme, déforme, complète, pour finir, ce que n'a pas dit, ce qu'a oublié ou ce que n'a pas osé imaginer l'Histoire. Jurant par « l'art de mentir » de Wilde ou par le « mentir vrai » d'Aragon, il se sert de la fabulation pour faire vivre des figures historiques en exploitant le caractère traduisible de l'expérience humaine dans une langue et une narrativisation de la vie humaine. Histoire et littérature, vie et récit, continuellement dans une relation dialectique. Si, comme le dit la maxime, tirée du roman favori de l'auteur Ulysse de Joyce, l'histoire est une vraisemblance et jamais une donnée, alors, « tisse, tisseur de vent » !
Voilà la puissance du genre en laquelle croit fermement Maragkopoulos. La fantaisie lexicale ne reflète pas seulement la réalité, mais aussi une nouvelle réalité, qui n'existait pas auparavant mais qui nous est indispensable pour concevoir la réalité elle-même. « Le romancier nous dit toujours avec une plus grande exactitude que l'historien que le passé n'est pas accompli, que le passé doit être inventé chaque fois que le présent nous file entre les doigts », signale Carlos Fuentes.
Chose évidente aujourd'hui pour notre expérience littéraire. La fantaisie créatrice et le réalisme ne s'opposent pas. Et Maragkopoulos est un écrivain réaliste, même si son interprétation dépasse l'étude de mœurs historiques dont nous sommes inondés. Récit documenté, continuels changements de voix narrative et de point de vue, montage narratif ultra rapide, grossissement de la description, accent mis sur les petits détails (il faudrait trois pages écrites tout petit pour décrire le chambardement dans un wagon jusqu'à ce que le lecteur comprenne qu'est monté Arthur Rimbaud lisant Blanqui et récitant du Hugo!), bagatelles savantes (comme soudain sur les biberons!), détails descriptifs, à la limite de l' « ekphrasis », constructions architecturales et œuvres d'art, mais surtout plongées dans le souvenir et psychographies sensibles. Si on lève le voile de la conscience et qu'on pénètre l'intimité du personnage, et tout spécialement d'un personnage historique, on est passé de l'autre côté. Quel historien ou biographe oserait imaginer ce que pense un Ivan Illitch, et bien davantage, ici, un Paul Lafargue, avant de mourir ?
Vassilis Vassilikos, magazine Athens Voice, 30 novembre 2016
Avec ce roman, Maragkopoulos se tourne vers l'Europe. A travers la vie privée du couple Lafargue, à travers leurs innombrables malheurs (la mort de leurs trois enfants – deux dès leur première année, le troisième à l'âge de quatre ans), à travers Paul partisan du révolutionnaire anarcho-autonome Blanqui et son beau-père Karl Marx, nous observons de très près, comme si cela se passait maintenant, ce qui a suivi la révolution avortée de 1848 en France, à laquelle succède une autre encore plus ratée parce que non préparée, l'insurrection de 1871 avec la Commune de Paris, pour arriver jusqu'à la Belle époque (équivalente à notre « life style » d'avant la crise), et à l'échouage final du « Titanic » sur l'iceberg de la première guerre mondiale.
Mais la beauté de Paul et Laura, tableau d'après nature réside ailleurs : dans les détails, dans les dialogues pleins de vie (– chose qui donne un parfum d'authenticité puisque les phrases elles-mêmes sont empruntées à des documents vrais) ; elle réside, pour finir, dans la structure faite d'allers-retours du « roman ». Le colosse Paul est un homme joyeux. La « joie de vivre » est dans ses gènes « créoles ». La très belle Laura, comme beaucoup de femmes de cette époque, lutte pour son émancipation...
Ce couple, Paul Lafargue et Laura Marx, hantait depuis des années l'écrivain (il l'atteste lui-même par des références à ses précédents ouvrages). Ainsi se trouve validée sa formule selon laquelle le roman était « achevé » avant d'exister sous la forme d'un livre. Une formule-clé, dont seuls les authentiques créateurs d'histoires peuvent mesurer la peine, la recherche, le temps qu'elles exigent pour que l'écrivain parvienne à l'enfantement, sans que le « bébé » ait encore besoin du lait maternel pour vivre…
Tina Mandilara, magazine Lifo, 9 décembre 2016
Ardemment moderne et innovateur quant aux trouvailles, Aris Maragkopoulos aborde ce qui existe avec une inventivité touchante et une identification apparente: partant en effet de quelque chose de tangible, comme l'histoire de deux amoureux éprouvés, il jongle continuellement entre le réel – ou plutôt son évidence – et ce dont la fabulation voudrait continuellement se libérer. Des mots étrangers, des situations ironiques, des alternances dans le ton, voilà quelques-uns des « costumes » différents que l'écrivain change dans un roman qu'au départ on pourrait qualifier d'épique, de subversif, mais aussi de symbolique, sur les circonstances qui modifiaient, ou plutôt créaient le monde. Mais le roman est bien plus que cela. L'histoire de Paul Lafargue – l'auteur de l'opuscule Le droit à la paresse – et de la fille de Karl Marx, Laura, n'est pas seulement émouvante, mais aussi révélatrice de ce que serait aujourd'hui la réalité si ses protagonistes l'arrosaient de doses d'esprit révolutionnaire. Révélateur de ce point, l'exemple de Manet, dont le tableau orne la couverture du livre – un banal déjeuner sur l'herbe – dans une œuvre en apparence descriptive qui a réussi à mettre le feu dans le monde de l'art. Et cela, pourtant, s'est fait de manière naturelle, avec l'ironie nécessaire, exactement comme Maragkopoulos construit son roman autour d'une histoire absolument vraie, mais comportant des doses romantiques de subversion. Ses « saints insoumis », ainsi que l'écrivain qualifie Paul et Laura dans ses précédents livres, sont un prétexte pour réécrire l'histoire d'un couple qui, au lieu d'une lettre d'adieu après son suicide a laissé un manifeste qui s’avère un hymne à la nécessité de l'utopie.
Elpida Pasamichali, magazine Book Bar, 13 décembre 2016
Environ un siècle après l'époque de Marx, d'Engels, de Proudhon, de Bakounine, de Blanqui mais aussi de Manet, de Courbet, de Hugo, de Flaubert, de Rimbaud et de Zola, les taux d'intérêt et les banques ont remplacé les idées, les financiers ont remplacé les intellectuels, les technocrates ont remplacé les leaders. Et au lieu du bond hors limites dans l'utopie de deux grands visionnaires, il y a le saut dans le vide du désespoir pour un million de jeunes gens du Vieux Continent. C'est à de tels raisonnements, et d'autres similaires, que le remarquable livre d'Aris Maragkopoulos, véritable prouesse littéraire, conduit le lecteur. Un livre qui arrive au moment le plus critique pour éveiller les consciences et balayer les illusions...
Tandis que Paul Lafargue et Laura Marx, après avoir vécu une vie tourmentée, remplie de drames familiaux, de déceptions révolutionnaires mais aussi de profonde camaraderie, s'évadent dans l'au-delà et dans l'utopie, « sains d'esprit », au moyen d' une injection d'acide cyanhydrique, Aris Maragkopoulos transforme leur époque en cocon pour notre propre époque et dévide le fil du souvenir, à l'aide duquel seulement nous pouvons puiser de la force et retrouver notre orientation.
Christina Drouza, quotidien I-Ephemerida, 14 décembre 2016
Aris Maragkopoulos manie tout ce matériel avec l'aisance caractéristique que peut seule apporter la profonde connaissance de l'époque. D'ailleurs, comme il le reconnaît lui-même, « Paul et Laura me hantent depuis ma jeunesse. Il n'y a pas un seul de mes livres où il n'y ait une référence, si minime soit-elle, à Paul et Laura Lafargue ». Le roman de Maragkopoulos n'est pas une lecture facile. Il ne pourrait du reste pas l'être. L'époque traitée est particulièrement riche, pleine d'événements et de contradictions. D'un côté, optimisme et enrichissement, de l'autre luttes sociales et révolutions. L'écrivain bâtit tout un monde en puisant son inspiration dans les figures historiques et les événements significatifs du XIXè siècle, qu'il accompagne en même temps de longs commentaires historiques.
Paul et Laura, tableau d’après nature est un roman dense qui combine histoire et roman, domaine privé et domaine public, connu et inconnu. L'écrivain s'inspire de documents de l'époque et garde en même temps la distance qui convient de manière à laisser au lecteur le loisir de réfléchir et de juger. Le lecteur attentif a une occasion unique de voyager dans une autre époque, particulièrement fascinante, de connaître mieux les figures et les situations, de réfléchir et pour finir de sortir de l'univers du livre plus riche en points de vue, connaissances, sentiments.
Μaria Moira, Avgi de Dimanche, 19 Mars 2017
Le récit audacieux d'Aris Maragkopoulos se replie de façon décisive dans un matériau factice stupéfiant composé de personnages historiques importants et de contenus sociaux choquants, de sources primaires multispécifiques, d'informations indexées et de multiples enregistrements de temps réticulés. L'auteur, au nom de l'intrigue, remplit de sensibilité, de respect et de créativité l'espace entre les moments historiques remarquables qui marquent le cours de notre époque, donnant aux figures historiques de la scène idéologique centrale un visage humain et dans leur vie quotidienne un dimension parallèle de plausibilité. Il élimine l'étrangeté créée par la distance dans le temps et la mythologie inévitable, et crée une grille dense d'interventions inventives et de liens interstitiels. [...]
Ce projet littéraire ambitieux malgré son volume charme le lecteur. L'auteur, alternant toujours fait et fiction, relie différents textes (lettres, notices, brochures, affiches, entrées de journal, monologues, récits de troisième personne) dans une structure composite qui se déplace du singulier au pluriel, de l'individu au collectif.
Il, réfléchit de manière critique sur la «réalité historique» en développant un dialogue continu dans les domaines sociaux de la parole, du temps et de la langue. Avec une présentation complexe (types de police de différentes tailles, citations adaptées, gravures, cartes postales, couvertures de magazines, titres de journaux), il marque les données historiques, met en évidence les mots et phrases influents, les lettres contrastées aux écritures de journal et les récits de diverses personnes. Le document en langue étrangère, qui s'insère constamment dans le récit principal, met constamment en évidence le contexte spatio-temporel, contribuant de façon décisive à la représentation du temps. Il aide l'auteur à peindre un panorama du 19e et du début du XXe siècle «d’après nature». Notez quelques mots que le lecteur distingue comme l'identité du texte: la folie de l'amour, la commune, le corps, l'internationalisme, le progrès, l'avenir, la propriété, la torture, l'utopie. Des mots tels que ceux-ci servent comme points de repère pour la psychologie des personnages et pour le complot…
…Il est difficile de résumer Paul et Laura, d'épuiser tous les aspects du roman dans une brève notice. Ainsi, pour conclure cet article, je m'en tiendrai à certains points de vue, que je considère comme particulièrement significatifs.
La politique et les révolutions artistiques
La première préoccupation peut-être dans la production littéraire récente d' Aris Maragkopoulos (mais aussi, sous d'autres formes, dans ses productions plus anciennes) est de faire le lien dans son ouvrage entre la révolution politique et les révolutions littéraires et artistiques. De montrer ces époques où les idées avancent par bonds dans tous les domaines. L'époque des Lafargue lui en fournit l'occasion idéale. A côté du mouvement politique des Communards s'accomplissent des ruptures emblématiques dans le domaine de la littérature et de l'art. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard si le Déjeuner sur l'herbe de Manet constitue un élément emblématique du roman. La trouvaille ingénieuse de Maragkopoulos qui consiste à relier le tableau qui a provoqué un scandale à son époque à la vie et à l'œuvre de Paul Lafargue enrichit le roman avec une rare lucidité, devient source de réexamen de l'Histoire. Cela n'a pas d'importance que Flaubert et Zola soient réticents ou même hostiles à la Commune et au peuple des travailleurs, ils effectuent eux aussi leur propre révolution. Le domaine politique et le domaine artistique progressent toujours en accord entre eux, dirait Pierre Bourdieu et ce n'est pas un hasard si ses Règles de l'art se focalisent exactement sur la même période et sur nombre des personnes qui traversent le roman.
Encore deux points intéressants
Le deuxième élément intéressant est le rôle que Maragkopoulos réserve à ses héroïnes, là où personne n'observe de développement particulièrement notable dans ses livres plus anciens. Dans ses derniers romans et encore davantage dans celui que nous examinons, les femmes possèdent un rôle particulier, elles sont les sages, les maîtresses de vie pour ses héros hommes, elles sont aussi celles qui les mettent en contact avec l'art (Betty Bartlett fera découvrir l'Amant de lady Chatterley à son mari, et Victorine, le modèle du Déjeuner, ouvrira un nouveau monde aux yeux agrandis par le désir de Lafargue). En ce qui concerne Laura, ce ne sont pas seulement sa sagesse et son instinct qui l'immortalisent dans le roman, ni son éducation marxiste «dès le berceau » et son zèle révolutionnaire, mais c'est aussi la manière dont l'écrivain aborde tout ce qui concerne son rôle traditionnel de femme, sa relation avec son mari, la façon dont elle affronte sa maternité, sans idéalisation, avec une franchise critique.
Le troisième point que je trouve toujours intéressant dans les derniers romans de Maragkopoulos, et dont je pense, par ailleurs, qu'il mérite une étude séparée, est celui du réalisme, ce « d'après nature » qu'il place dans le titre de son livre, un réalisme qui dépasse de beaucoup tant l'étude de mœurs que la fidèle représentation de la réalité, ou la littérature historique (dans la définition habituelle de celle-ci), un réalisme qui recrée la réalité à travers le contact précisément avec l'imagination fabulatrice. D'une manière telle que, tout en s'éloignant de leur réalité, cette biographie romancée des Lafargue devient la biographie de beaucoup d'hommes et de l'époque tout entière.
Aristotelis Saïnis, quotidien Le Journal des rédacteurs, 10 février 2017
L'époque des intellectuels engagés, des révolutionnaires de terrain et des utopies sociales est peinte devant nos yeux. Maragkopoulos l'ose. Les hommes politiques, les penseurs, les écrivains, les peintres de cette époque sont là, bien vivants. Ils pensent, ils parlent, ils écrivent et ils participent de toute leur âme aux événements. Marx et Engels, Proudhon et Bakounine, Manet et Courbet, Hugo et Flaubert, à côté de dizaines de héros célèbres ou anonymes mais aussi … de Crétois communards. Voilà le fait qui marque de manière indélébile les consciences de l'époque. C'est pour cela qu'il consacre à celle-ci un des plus beaux catalogues gargantuesques que je connaisse (assurément Umberto Eco en serait jaloux) : des accumulations successives de noms, de métiers, de mouvements, de slogans et de chansons reconstituent, d'une façon romancée, l'élan révolutionnaire du premier jour de la Commune.
Avec pour point de départ des témoignages réels et des textes emblématiques, Maragkopoulos creuse les failles, colore les zones grises, juxtapose, paraphrase, imite, transforme, déforme, complète, pour finir, ce que n'a pas dit, ce qu'a oublié ou ce que n'a pas osé imaginer l'Histoire. Jurant par « l'art de mentir » de Wilde ou par le « mentir vrai » d'Aragon, il se sert de la fabulation pour faire vivre des figures historiques en exploitant le caractère traduisible de l'expérience humaine dans une langue et une narrativisation de la vie humaine. Histoire et littérature, vie et récit, continuellement dans une relation dialectique. Si, comme le dit la maxime, tirée du roman favori de l'auteur Ulysse de Joyce, l'histoire est une vraisemblance et jamais une donnée, alors, « tisse, tisseur de vent » !
Voilà la puissance du genre en laquelle croit fermement Maragkopoulos. La fantaisie lexicale ne reflète pas seulement la réalité, mais aussi une nouvelle réalité, qui n'existait pas auparavant mais qui nous est indispensable pour concevoir la réalité elle-même. « Le romancier nous dit toujours avec une plus grande exactitude que l'historien que le passé n'est pas accompli, que le passé doit être inventé chaque fois que le présent nous file entre les doigts », signale Carlos Fuentes.
Chose évidente aujourd'hui pour notre expérience littéraire. La fantaisie créatrice et le réalisme ne s'opposent pas. Et Maragkopoulos est un écrivain réaliste, même si son interprétation dépasse l'étude de mœurs historiques dont nous sommes inondés. Récit documenté, continuels changements de voix narrative et de point de vue, montage narratif ultra rapide, grossissement de la description, accent mis sur les petits détails (il faudrait trois pages écrites tout petit pour décrire le chambardement dans un wagon jusqu'à ce que le lecteur comprenne qu'est monté Arthur Rimbaud lisant Blanqui et récitant du Hugo!), bagatelles savantes (comme soudain sur les biberons!), détails descriptifs, à la limite de l' « ekphrasis », constructions architecturales et œuvres d'art, mais surtout plongées dans le souvenir et psychographies sensibles. Si on lève le voile de la conscience et qu'on pénètre l'intimité du personnage, et tout spécialement d'un personnage historique, on est passé de l'autre côté. Quel historien ou biographe oserait imaginer ce que pense un Ivan Illitch, et bien davantage, ici, un Paul Lafargue, avant de mourir ?
Vassilis Vassilikos, magazine Athens Voice, 30 novembre 2016
Avec ce roman, Maragkopoulos se tourne vers l'Europe. A travers la vie privée du couple Lafargue, à travers leurs innombrables malheurs (la mort de leurs trois enfants – deux dès leur première année, le troisième à l'âge de quatre ans), à travers Paul partisan du révolutionnaire anarcho-autonome Blanqui et son beau-père Karl Marx, nous observons de très près, comme si cela se passait maintenant, ce qui a suivi la révolution avortée de 1848 en France, à laquelle succède une autre encore plus ratée parce que non préparée, l'insurrection de 1871 avec la Commune de Paris, pour arriver jusqu'à la Belle époque (équivalente à notre « life style » d'avant la crise), et à l'échouage final du « Titanic » sur l'iceberg de la première guerre mondiale.
Mais la beauté de Paul et Laura, tableau d'après nature réside ailleurs : dans les détails, dans les dialogues pleins de vie (– chose qui donne un parfum d'authenticité puisque les phrases elles-mêmes sont empruntées à des documents vrais) ; elle réside, pour finir, dans la structure faite d'allers-retours du « roman ». Le colosse Paul est un homme joyeux. La « joie de vivre » est dans ses gènes « créoles ». La très belle Laura, comme beaucoup de femmes de cette époque, lutte pour son émancipation...
Ce couple, Paul Lafargue et Laura Marx, hantait depuis des années l'écrivain (il l'atteste lui-même par des références à ses précédents ouvrages). Ainsi se trouve validée sa formule selon laquelle le roman était « achevé » avant d'exister sous la forme d'un livre. Une formule-clé, dont seuls les authentiques créateurs d'histoires peuvent mesurer la peine, la recherche, le temps qu'elles exigent pour que l'écrivain parvienne à l'enfantement, sans que le « bébé » ait encore besoin du lait maternel pour vivre…
Tina Mandilara, magazine Lifo, 9 décembre 2016
Ardemment moderne et innovateur quant aux trouvailles, Aris Maragkopoulos aborde ce qui existe avec une inventivité touchante et une identification apparente: partant en effet de quelque chose de tangible, comme l'histoire de deux amoureux éprouvés, il jongle continuellement entre le réel – ou plutôt son évidence – et ce dont la fabulation voudrait continuellement se libérer. Des mots étrangers, des situations ironiques, des alternances dans le ton, voilà quelques-uns des « costumes » différents que l'écrivain change dans un roman qu'au départ on pourrait qualifier d'épique, de subversif, mais aussi de symbolique, sur les circonstances qui modifiaient, ou plutôt créaient le monde. Mais le roman est bien plus que cela. L'histoire de Paul Lafargue – l'auteur de l'opuscule Le droit à la paresse – et de la fille de Karl Marx, Laura, n'est pas seulement émouvante, mais aussi révélatrice de ce que serait aujourd'hui la réalité si ses protagonistes l'arrosaient de doses d'esprit révolutionnaire. Révélateur de ce point, l'exemple de Manet, dont le tableau orne la couverture du livre – un banal déjeuner sur l'herbe – dans une œuvre en apparence descriptive qui a réussi à mettre le feu dans le monde de l'art. Et cela, pourtant, s'est fait de manière naturelle, avec l'ironie nécessaire, exactement comme Maragkopoulos construit son roman autour d'une histoire absolument vraie, mais comportant des doses romantiques de subversion. Ses « saints insoumis », ainsi que l'écrivain qualifie Paul et Laura dans ses précédents livres, sont un prétexte pour réécrire l'histoire d'un couple qui, au lieu d'une lettre d'adieu après son suicide a laissé un manifeste qui s’avère un hymne à la nécessité de l'utopie.
Elpida Pasamichali, magazine Book Bar, 13 décembre 2016
Environ un siècle après l'époque de Marx, d'Engels, de Proudhon, de Bakounine, de Blanqui mais aussi de Manet, de Courbet, de Hugo, de Flaubert, de Rimbaud et de Zola, les taux d'intérêt et les banques ont remplacé les idées, les financiers ont remplacé les intellectuels, les technocrates ont remplacé les leaders. Et au lieu du bond hors limites dans l'utopie de deux grands visionnaires, il y a le saut dans le vide du désespoir pour un million de jeunes gens du Vieux Continent. C'est à de tels raisonnements, et d'autres similaires, que le remarquable livre d'Aris Maragkopoulos, véritable prouesse littéraire, conduit le lecteur. Un livre qui arrive au moment le plus critique pour éveiller les consciences et balayer les illusions...
Tandis que Paul Lafargue et Laura Marx, après avoir vécu une vie tourmentée, remplie de drames familiaux, de déceptions révolutionnaires mais aussi de profonde camaraderie, s'évadent dans l'au-delà et dans l'utopie, « sains d'esprit », au moyen d' une injection d'acide cyanhydrique, Aris Maragkopoulos transforme leur époque en cocon pour notre propre époque et dévide le fil du souvenir, à l'aide duquel seulement nous pouvons puiser de la force et retrouver notre orientation.
Christina Drouza, quotidien I-Ephemerida, 14 décembre 2016
Aris Maragkopoulos manie tout ce matériel avec l'aisance caractéristique que peut seule apporter la profonde connaissance de l'époque. D'ailleurs, comme il le reconnaît lui-même, « Paul et Laura me hantent depuis ma jeunesse. Il n'y a pas un seul de mes livres où il n'y ait une référence, si minime soit-elle, à Paul et Laura Lafargue ». Le roman de Maragkopoulos n'est pas une lecture facile. Il ne pourrait du reste pas l'être. L'époque traitée est particulièrement riche, pleine d'événements et de contradictions. D'un côté, optimisme et enrichissement, de l'autre luttes sociales et révolutions. L'écrivain bâtit tout un monde en puisant son inspiration dans les figures historiques et les événements significatifs du XIXè siècle, qu'il accompagne en même temps de longs commentaires historiques.
Paul et Laura, tableau d’après nature est un roman dense qui combine histoire et roman, domaine privé et domaine public, connu et inconnu. L'écrivain s'inspire de documents de l'époque et garde en même temps la distance qui convient de manière à laisser au lecteur le loisir de réfléchir et de juger. Le lecteur attentif a une occasion unique de voyager dans une autre époque, particulièrement fascinante, de connaître mieux les figures et les situations, de réfléchir et pour finir de sortir de l'univers du livre plus riche en points de vue, connaissances, sentiments.
Μaria Moira, Avgi de Dimanche, 19 Mars 2017
Le récit audacieux d'Aris Maragkopoulos se replie de façon décisive dans un matériau factice stupéfiant composé de personnages historiques importants et de contenus sociaux choquants, de sources primaires multispécifiques, d'informations indexées et de multiples enregistrements de temps réticulés. L'auteur, au nom de l'intrigue, remplit de sensibilité, de respect et de créativité l'espace entre les moments historiques remarquables qui marquent le cours de notre époque, donnant aux figures historiques de la scène idéologique centrale un visage humain et dans leur vie quotidienne un dimension parallèle de plausibilité. Il élimine l'étrangeté créée par la distance dans le temps et la mythologie inévitable, et crée une grille dense d'interventions inventives et de liens interstitiels. [...]
Ce projet littéraire ambitieux malgré son volume charme le lecteur. L'auteur, alternant toujours fait et fiction, relie différents textes (lettres, notices, brochures, affiches, entrées de journal, monologues, récits de troisième personne) dans une structure composite qui se déplace du singulier au pluriel, de l'individu au collectif.
Il, réfléchit de manière critique sur la «réalité historique» en développant un dialogue continu dans les domaines sociaux de la parole, du temps et de la langue. Avec une présentation complexe (types de police de différentes tailles, citations adaptées, gravures, cartes postales, couvertures de magazines, titres de journaux), il marque les données historiques, met en évidence les mots et phrases influents, les lettres contrastées aux écritures de journal et les récits de diverses personnes. Le document en langue étrangère, qui s'insère constamment dans le récit principal, met constamment en évidence le contexte spatio-temporel, contribuant de façon décisive à la représentation du temps. Il aide l'auteur à peindre un panorama du 19e et du début du XXe siècle «d’après nature». Notez quelques mots que le lecteur distingue comme l'identité du texte: la folie de l'amour, la commune, le corps, l'internationalisme, le progrès, l'avenir, la propriété, la torture, l'utopie. Des mots tels que ceux-ci servent comme points de repère pour la psychologie des personnages et pour le complot…
Élements de l'intrigue
L'originalité de ce roman, que soulèvent tous les critiques, est qu'elle rassemble les rêves utopiques des militants socialistes comme Paul Lafargue qui avaient bouleversé la société de la seconde moitié du XIXe siècle avec la nouvelle approche radicale d'artistes comme Édouard Manet qui, à leur tour, avaient bouleversé la culture et l'art dans la même période.
Le lecteur Français trouvera ici un résumé complet du roman, chapitre par chapitre.
The French reader may find here an extensive summary of the whole novel, chapter by chapter.
The French reader may find here an extensive summary of the whole novel, chapter by chapter.
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Lecture de Paul et Laura, tableau d'après nature, à travers la théorie de Mikhail Mikhailovich Bakhtin*
(Food for thought)
(Food for thought)
…Une pluralité de voix et de consciences indépendantes et non-immergées, une véritable polyphonie de voix totalement valides est en fait la principale caractéristique des romans de Dostoïevski. Ce qui se déroule dans ses œuvres n'est pas une multitude de personnages et de destin dans un seul monde objectif, éclairé par une seule conscience d'auteur; plutôt qu'une pluralité de consciences, avec des droits égaux et chacun avec son propre monde, combinent mais ne sont pas fusionnées dans l'unité de l'événement.
* Problems of Dostoevsky's Poetics (1929), Edited and Translated by Caryl Emerson, University of Minnesota Press, 1984, p. 6-7.
* Problems of Dostoevsky's Poetics (1929), Edited and Translated by Caryl Emerson, University of Minnesota Press, 1984, p. 6-7.
Reading Paul & Laura, tableau d'après nature, through Mikhail Mikhailovich Bakhtin's theory*
(Food for thought)
(Food for thought)
…A plurality of independent and unmerged voices and consciousnesses, a genuine polyphony of fully valid voices is in fact the chief characteristic of Dostoevsky's novels. What unfolds in his works is not a multitude of characters and fates in a single objective world, illuminated by a single authorial consciousness; rather a plurality of consciousnesses, with equal rights and each with its own world, combine but are not merged in the unity of the event.
* Problems of Dostoevsky's Poetics (1929), Edited and Translated by Caryl Emerson, University of Minnesota Press, 1984, p. 6-7.
* Problems of Dostoevsky's Poetics (1929), Edited and Translated by Caryl Emerson, University of Minnesota Press, 1984, p. 6-7.